Philippe Juvin : « Je souhaite donner de la liberté aux soignants »- Euractiv, 13 juin

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Crise de l’hôpital, NUPES, pandémie, Europe de la Santé, élections… En pleine campagne des législatives, EURACTIV s’est entretenu avec Philippe Juvin, candidat Les Républicains qualifié pour le second tour des élections dans la 3e circonscription des Hauts-de-Seine et médecin urgentiste à Paris. 

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Grève des soignants, fermeture de lits d’hôpitaux, manque de moyens… Quelle est votre analyse de la situation en tant qu’homme politique et en tant que médecin ?

L’analyse est la même. Il n’y a pas une réponse politique et une réponse médicale. Quand on parle de la crise de l’hôpital, il y a plusieurs sujets à commencer par le problème démographique. On n’a pas formé assez de personnel médical. Les habitudes des soignants ont changé. Un jeune médecin ne veut plus faire 70 heures par semaine. Il faut doubler le numérus clausus.

Ensuite, il faut redonner de la considération au métier. Les soignants sont maltraités par l’administration, les tutelles… La France est le plus grand pays de contrôle administratif et normatif.

Enfin, la santé ce n’est pas que le soin. Cela inclut également le bien-être au travail, l’environnement ou encore l’alimentation. Nous n’avons pas une vision globale et satisfaisante de la santé et nous allons le payer.

Si vous êtes élu, quelles mesures prendriez-vous ?

Je multiplie par deux l’obligation de formation du nombre de médecins par les facultés. Je donne le droit de prescription aux infirmières, je permets à un kiné ou une infirmière qui travaille depuis cinq ou dix ans de facilement devenir médecins.

Surtout, je souhaite donner de la liberté aux soignants en les libérant des tâches administratives. Le numérique en santé est un outil extraordinaire pour libérer du temps et s’occuper des malades. Quand je suis aux urgences, je passe mon temps avec mon téléphone pour chercher des lits. Est-ce que c’est normal d’utiliser son temps de cette manière-là ?

Je dissous également l’École des hautes études en santé publique (EHESP) qui forme les directeurs des hôpitaux, car les directeurs d’hôpitaux peuvent venir de tous les spectres de la société.

Et que feriez-vous de la T2A, décriée par de nombreux professionnels de santé ?

Depuis 20 ans, tout le monde dit il faut la changer. Vous avez eu des gouvernements de droite, de gauche, du centre, elle est toujours là. Ça signifie qu’en fait, ils ne savent pas la changer. Pourquoi ?

Car la T2A c’est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres. La principale alternative, c’est le budget unique, mais ce n’est pas un bon système et nous n’en connaissons pas d’autres. Il faut reformer intelligemment la T2A sur les actes intellectuels.

Il faut la réformer sur les actes intellectuels, car elle est plutôt bonne sur les actes techniques.

Faut-il aller vers plus de complémentarité entre le secteur public et le secteur privé ?

La complémentarité est une obligation. Mais dans le public comme dans le privé il faut une grande réforme de la santé pour augmenter la qualité des soins et qu’il y ait plus de transparence. Par exemple, tous les hôpitaux doivent publier leur délai d’attente pour une opération afin d’avoir une transparence du résultat.

Il existe une médecine à deux vitesses : je sais où me faire opérer pour être pris en charge rapidement et avec des soins de qualité, car je travaille dans le milieu hospitalier. Une personne qui ne vient pas du milieu médical ne saura pas où aller.

La grande réforme de la santé c’est la qualité, et cette qualité est aujourd’hui hétérogène.

La complémentarité permettrait-elle aussi de palier aux déserts médicaux ?

La question des déserts médicaux est essentielle. Il faut former deux fois plus de médecins et doubler le numérus clausus. Il faut également demander aux médecins de faire leur quatrième année dans un désert médical, mais aussi donner le droit de prescription aux infirmières.

Ensuite, c’est important d’avoir un accès direct à des spécialistes et ne pas aller systémiquement chez le généraliste. Les sages-femmes doivent également pouvoir faire des consultations du quatrième mois de grossesse.

Ces modifications législatives vont permettre d’améliorer l’accès aux soins.

Durant la campagne des législatives, la NUPES a annoncé vouloir recruter 240 000 soignants…

Ils n’existent pas. Il n’y a pas 240 000 soignants disponibles. Il faut d’abord les former.

Quelle est la situation à l’hôpital Européen Georges Pompidou où vous exercez ?

C’est comme partout. Il y a des patients qu’on ne peut pas opérer. Il y a de l’attente aux urgences. Mais à Paris nous avons tout de même moins de problèmes.

A Châteauroux, il y a quatre pédiatres pour tout le département. A La Garenne, ma ville, il y a six mois d’attente pour un psychiatre pour enfant.

Vous étiez en poste à l’hôpital pendant la pandémie. Quelle analyse faites-vous de la crise sanitaire ?

J’en veux à Olivier Véran car à l’époque du Covid, je lui ai dit : « Ouvrez des promotions d’infirmières, c’est la guerre. Créez une rentrée scolaire en mai ».

Mais il ne l’a pas fait : il était dans l’impossibilité de comprendre la situation.

Vous avez été député européen de 2009 à 2019. La Covid semble avoir révélé certaines faiblesses des institutions européennes dans le domaine de la santé…

Je ne suis pas d’accord. L’Europe ne peut pas travailler si les Etats ne coopèrent pas. Quand on reproche à l’Europe de ne pas avoir travaillé, c’est qu’en réalité les 27 n’ont pas collaboré.

Au début de la crise, la Commission a interrogé les Etats membres pour savoir s’ils avaient des besoins particuliers comme des pénuries de masques. Tous, sauf quatre, ont répondu « Non, non, tout va bien. On a tout ce qu’il faut. »

A partir de là, comment voulez-vous que l’UE agisse quand les 27 lui donnent de fausses informations ? Les Etats membres sont très égoïstes et coopèrent le moins possible.

La France fait-elle partie de ces pays « égoïstes » ?

En mars 2020, au début de l’épidémie, j’ai recommandé à Emmanuel Macron d’organiser ne serait-ce qu’un recensement de tous les soignants de réanimation et de tous les lits de réanimation disponibles en Europe. Il ne l’a pas fait.

Comme ça par exemple, si l’épidémie frappe en France, mais pas en Pologne, on met en commun des moyens. Et lorsqu’elle frappera en Pologne, et non plus en France, alors on aidera les Polonais.

Il y a quand même eu des transferts de patients d’un pays à l’autre…

Très peu. A l’époque, j’ai recommandé d’organiser des trains sanitaires et des transferts massifs de patients. Des gens sont morts parce qu’ils n’ont pas pu aller se faire soigner ailleurs.

Il faut arrêter de nous dire que cela s’est bien passé. Ça ne s’est pas bien passé. Il y a des gens qui n’auraient pas dû mourir qui sont morts. C’est ça la réalité de l’épidémie.

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